En réponse à mes Amis Louis et Michel .
En tout premier, une question s’impose : « Qu’en serait-il de nos sentiments si le procès du Maréchal n’avait pas lieu… ». ainsi posée et qui enchaîne sur une autre : « En quoi cela peut-il intéressé sérieusement un étranger au service de la France ? »
Néanmoins, le sujet est pour certains d’entre-nous passionnant et déborde largement sur nos pensées intimes que chacune et chacun garde au fond de leur mémoire. La réaction de Michel est osée mais sans concession au point de conclure que : « l’Histoire, rien que l’Histoire. Le reste est du blabla » En fait, la réponse de Michel amorce un tout autre sujet : celui qu’un jour vous êtes un héros adulé et le lendemain le pire des salauds ! L’espoir en 1940 n’avait pas changé de camp, cependant le combat lui avait bien changé d’âme concrétisé par une résistance dont le nombre impressionne surtout au moment de la libération du monde libre… ».
L’affaire « Pétain » était au départ ce que nous appelons une « raison d’état », un concept de philosophie politique qui permet aux états de justifier leurs actions, toutes illégales soient-elles au nom du bien public et dans la logique de la conservation et de l’exercice du pouvoir politique : « chacun vois ce que tu parais, peu sentent ce que tu es et ce petit nombre ne s’enhardit pas à s’opposer à l’opinion d’une majorité qui ont la majesté de l’état pour les défendre et dans les actions de tous les hommes et surtout des princes pour lesquels il n’y a pas de tribunal auprès de qui protester pour faire en sorte qu’un prince fait tout pour vaincre et de maintenir l’Etat et les moyens seront toujours jugés honorables et seront loués de chacun. Dire que nos « Anciens » ont mis : « leur peau au bout de leurs idées » , ils n’avaient malheureusement pas le choix, ainsi écrit Victor Hugo dans son poème « Depuis six mille ans la guerre » : « Et cela pour des Altesses, Qui, Vous à peine enterrés, Se feront des politesses, Pendant que vous pourrirez ».
Au bout de leurs idées, surtout pour certains chefs qui utilisaient des étrangers qui avaient fait le sermon de servir la France avec fidélité et les entraîner dans une aventure aux conséquences fatales pour la Légion étrangère, si Pierre Messmer n’avait pris de la défense.
Réflexion :
La France est rapidement vaincue en juin 1940 par les troupes allemandes. Devant cette situation, Le maréchal Pétain prend le pouvoir et signe l'armistice avec l'Allemagne. Les conditions de l'armistice sont difficiles pour la France. Les Allemands occupent une grande partie du territoire. Pétain, à la tête de l'État français, instaure une obligatoire dictature et entreprend la collaboration avec l'Allemagne, notamment en arrêtant et en livrant des Juifs et des Tsiganes aux Allemands sans pour autant que cela fut demandé par ces derniers. Pour lutter contre l'occupation allemande et le régime de Vichy, la résistance intérieure et extérieure s'organise sous l'impulsion du général de Gaulle.
Bref : Chacune et chacun, peuvent faire leur opinion. Cependant, rien n’est simple et une question s’impose : celle de savoir interpréter un roman (imaginaire) de ce que serait devenue la France si le Maréchal à 84 ans n’avait pas accepté cette « mission » au soir de sa vie… Il avait tout à perdre et rien à gagner.
Néanmoins… Des mesures subtiles introduites (ou finalisées) par les législateurs du régime de Vichy survivent jusqu'à nos jours. Il en va ainsi de la licence IV qui réglemente la vente des boissons alcoolisées dans les bars: introduite le 24 septembre 1941, elle s'inscrit dans la croisade antialcoolisme chère à l'occupant. Visant la « régénération de la race» par le sport et la santé, le sort des fédérations sportives doit beaucoup au patronage de l'État français de l'époque, qui considère l'effort et la discipline comme les moteurs de la nation. On héritera de cette période l'ajout d'une épreuve de sport au baccalauréat dès 1941, laquelle deviendra obligatoire en 1959.
La sirène qui retentit tous les premiers mercredis du mois ? Une invention de la période destinée à renforcer la défense passive. Le panneau sens interdit ? Introduit par les Allemands en remplacement d'un panneau francophone que l'occupant ne comprenait pas. L'affichage obligatoire des prix dans les magasins ? La retraite par répartition? Le sport au bac ? Encore des concrétisations des législateurs du régime de Vichy.
En l'absence de Chambre des députés et de Sénat, réduits au silence par l'occupant, la dictature de Philippe Pétain s'est avérée particulièrement efficace pour introduire une nouvelle législation. Là où habituellement des mois de négociations étaient nécessaires à l'aboutissement d'un décret, il suffit désormais de quelques jours. En découle une véritable boulimie législative : 16.786 lois et décrets sont promulgués sous le régime vichyste, entre juillet 1940 et août 1944, soit plus de onze nouvelles lois par jour !
Après la Libération, plutôt que de tirer un trait sur l'ensemble des mesures mises en place pendant l'Occupation, le Gouvernement provisoire de la République française (juin 1944 - octobre 1946) se réserve la possibilité de les abroger au cas par cas. L'ordonnance dite de « rétablissement de la légalité républicaine », publiée le 9 août 1944, n'efface pas complètement l'ardoise vichyste, puisque tout n'est pas à jeter dans les lois et décrets promulgués depuis juillet 1940. En effet, certaines mesures s'inscrivent dans la continuité des chantiers amorcés pendant la IIIème République (1870-1940) et touchent des domaines très éloignés d'un quelconque idéologisme : agriculture, urbanisme, infrastructures…
Le monde de l'entreprise porte lui aussi l'empreinte du régime de Vichy. Car c'est sous l'Occupation qu'a été inventée la fonction de PDG (président-directeur général), ainsi que les comités d'établissement, devenus depuis les comités d'entreprise, dans le but de renforcer la collaboration entre syndicats et patronat. Les cantines d'entreprise sont également un héritage de cette époque, tout comme les tickets-repas, déclinaison corporatiste des tickets de rationnement en vigueur pendant la Seconde Guerre mondiale.
Certaines mesures s'avèrent moins subtiles quant à leur ancrage idéologique, ce qui ne les a pas empêchées de survivre dans les tablettes de la loi jusqu'à nos jours. Prenez par exemple le délit de non-assistance à personne en danger, introduit le 25 octobre 1941. La dictature de Philippe Pétain l'utilise afin de forcer ses concitoyens à dénoncer des attentats « terroristes» dont ils auraient connaissance. S'il représente aujourd'hui un geste noble, qui aurait pu imaginer qu'il récompensait autrefois la délation à l'encontre de la Résistance?
En effet, la sécurité nationale est un des impératifs qui guide les bureaucrates vichystes. Ainsi, la création de la police nationale (23 avril 1941) permet au régime collaborationniste de devenir un instrument de répression coordonné, qui exécutera la rafle du Vél d'Hiv, les 16 et 17 juillet 1942. Tandis que la détention obligatoire d'une carte d'identité (loi du 27 octobre 1940) distingue les juifs des autres citoyens et facilite, administrativement, leur persécution. Tamponné d'un numéro national, unique à chaque individu, ce dernier est devenu notre numéro de Sécurité sociale… En outre, c'est à la même époque que l'on instaure le fameux « fichier S» (pour «sûreté de l'État»), qui répertorie les individus dans le viseur des autorités.
Ainsi, à certains égards, la France de l'après-guerre est encore un peu à l'heure de Vichy et donc de Berlin. Car c'est sous l'action du maréchal Pétain que les horloges tricolores se sont mises au diapason de celles du Troisième Reich, alors que la France et l'Allemagne ne sont pas vraiment sur la même longitude. Ultime illustration de cet héritage devenu quotidien, les aiguilles françaises y demeurent encore aujourd'hui, alors qu'elles étaient autrefois alignées sur le méridien de Greenwich, l'heure de Londres.